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LA GARANTIE DES VICES CACHES SUR LES VENTES IMMOBILIERES

Photo du rédacteur: Benoît LEGRUBenoît LEGRU

Le propriétaire vendeur d’un bien immobilier doit informer l’acquéreur de l’état du bien au jour de la vente, ceci en application des dispositions impératives de l’article 1112-1 du code civil selon lequel, « il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie. Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir ».


La règle traduit le devoir de loyauté et l’obligation d’exécution de bonne foi des conventions dans l’esprit des dispositions également impératives de l’article 1104 du code civil aux termes desquelles « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public ».


Le vendeur est aussi redevable de la garantie des vices non apparents.


Par référence aux dispositions de l’article 1641 du code civil, le vice caché est un défaut qui n’est pas connu de l’acheteur et qui ne peut être révélé par un examen normal du bien.


Le vice caché est préexistant à la vente et d’une gravité telle qu’il empêche l’acquéreur de faire du bien un usage conforme à sa destination ou en réduit à ce point la valeur que l’acheteur n’en aurait donné qu’un moindre prix s’il en avait eu connaissance.


La découverte du vice caché peut donner lieu à une action rédhibitoire (annulation de la vente) ou bien à une action estimatoire (réduction du prix) et , dans tous les cas, à des dommages-intérêts.


Lorsque le vendeur dissimule un vice dont le bien est affecté, l’acquéreur bénéficie de l’invocation du dol dans la réalisation de la vente par référence aux dispositions de l’article 1137 du code civil aux termes desquelles « Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation. »


L’action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les deux années qui suivent la découverte du vice et au plus tard dans le délai de vingt années à compter de la réalisation de la vente en application des dispositions de l’article 2232 du code civil selon lesquelles «Le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit ».


Par quatre arrêts du 21 juillet 2023, la chambre mixte de la cour de cassation a confirmé, dans le sens d’une protection accrue des acquéreurs, que le délai de deux ans de l’article 1648 al 1er est bien un délai de prescription qui peut donc être suspendu par l’exercice d’une mesure d’instruction préalable au procès.


Seule la clause élusive de garantie des vices cachés peut être invoquée.


Une telle clause est permise par l’application des dispositions de l’article 1643 du code civil selon lesquelles le vendeur est tenu des vices cachés quand bien même il ne les aurait pas connus à moins qu’il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie.


Cette clause n’est opposable par le vendeur qu’à la condition que ce dernier n’ait pas eu connaissance du vice, cette règle traduit ici encore l’expression de la bonne foi dans les conventions.


Le vendeur professionnel ne peut en revanche pas l’opposer à un acquéreur profane.

Les clauses élusives de garantie demeurent valables entre professionnels de la même spécialité qui contractent respectivement dans le cadre de l’exercice de leur profession.


Attention toutefois, dans la mesure ou le vendeur particulier qui effectue lui-même des travaux de construction est souvent considéré comme un professionnel lorsqu’il s’agit d’évaluer le mérite d’une clause élusive de garantie des vices cachés.


Il doit s’agir de travaux de construction au sens des dispositions de l’article 1792-1 du code civil aux termes desquelles est réputée constructeur toute personne qui vend après achèvement un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire.


La troisième chambre civile de la cour de cassation admet à ce titre que : « Ayant souverainement retenu que si l’acte de vente… comportait une clause d’exclusion de garantie de vice apparent ou caché au profit des vendeurs, il devait être observé que les acquéreurs avaient construit eux-mêmes leur villa et possédaient ainsi des compétences techniques suffisantes en matière de bâtiment, la cour d’appel a pu en déduire qu’assimilables à des professionnels et à ce titre présumés connaître les imperfections, vices et non conformités de leur propre ouvrage, ils ne pouvaient se prévaloir de la clause insérée à l’acte et étaient tenus des vices cachés de l’immeuble quand bien même ils ne les auraient pas connus ».


Le particulier ne peut donc dans ce cas invoquer une clause élusive de garantie face à un acquéreur profane.


De même lorsque le vendeur à la qualité de professionnel, ceci implique qu’il ait connaissance des vices affectant le bien vendu.


Ont été considérés comme vendeurs professionnels :

-          Un architecte qui conçoit un immeuble, le construit et le vend,

-          Un artisan maçon qui a personnellement effectué des travaux de couverture ou qui a acquis un bien pour le restructurer, le diviser et le vendre en appartements,

-          Le particulier qui a acquis plusieurs lots d’un immeuble pour les aménager et les revendre ou qui a conçu et installé lui-même une cheminée dont le dysfonctionnement a causé un incendie,


Sont ainsi pris en compte par le juge du fond la compétence technique du vendeur et son degré d’implication dans la réalisation du projet.


Alors que l’acquéreur profane acquiert le bien immobilier en l’état sans recours contre le vendeur, il en va autrement lorsque le vendeur, lui-même profane, connait néanmoins les vices avant la vente et qu’il les dissimule à l’attention de l’acquéreur.


La définition du dol recouvre en effet deux éléments, l’un intentionnel consistant en la volonté de tromper le cocontractant, l’autre matériel consistant en l’utilisation de manœuvres frauduleuses qui peuvent consister en la simple rétention d’une information selon la jurisprudence de la troisième chambre civile de la cour de cassation (Cass. Civ. 3ème , 6 juillet 2023 n°22-12.461), désormais expressément confirmée par les nouvelles dispositions de l’article 1137 du code civil selon lesquelles la dissimulation d’une information dont le cocontractant connait le caractère déterminant pour l’autre partie constitue un dol.


L’objet du dol ne peut être apparent, en effet, le dol ne peut être admis que lorsque les défauts allégués ne pouvaient être décelés au moment de la vente par un examen attentif et vigilant du bien.


Le recours en annulation pour dol peut être engagé dans le délai de cinq années à compter de la tromperie par référence aux dispositions de l’article 2224 du code civil et dans la limite de vingt années après la vente en fonction du jeu des actes interruptifs de prescription.


Enfin, l’action en annulation pour dol est cumulable avec l’action en garantie des vices cachés (Cass.Civ.3ème, 23 septembre 2020, n°19-18.104).

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