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  • Photo du rédacteurMaurine STERZ--HALLOO

FOCUS : LES CONVENTIONS DE FORFAIT ANNUEL EN JOURS

L’usage de ces conventions est très répandu en entreprise. Il est pourtant indispensable pour l’employeur d’être vigilant lors de l’embauche de ses salariés et dans l’exécution de leur contrat de travail.


La jurisprudence en la matière est abondante et les juges sanctionnent le manquement à certaines règles de forme et de fond par la nullité de la convention. Les conséquences financières pour l’employeur peuvent être lourdes :

  • paiement de toutes les heures supplémentaires effectuées par le salarié,

  • paiement d’une indemnité égale à 6 mois de salaires pour travail dissimulé,

  • réparation des multiples préjudices subis en cas de surcharge de travail.


Le législateur, quant à lui, a renforcé les obligations de l’employeur par la loi du 8 août 2016, qui lui impose de vérifier régulièrement que la charge de travail confiée au salarié est compatible avec son emploi du temps.


Le risque de contentieux est grandissant au regard de la jurisprudence, qui tente d’encadrer au mieux l’exécution de ces conventions particulières.


Pour exemple, la Cour de cassation a rendu un arrêt de cassation le 25 mai 2022, dans lequel elle rappelle que les juges qui prononcent la nullité d’une telle convention doivent également rechercher si le salarié n’a pas accompli des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel. (Cour de cassation, Chambre sociale, 25 mai 2022, n° 19-23.381)


Par ailleurs, elle précise que la charge de la preuve de ces heures supplémentaires ne repose pas uniquement sur le salarié.


Cette solution apparait incontestable dans la mesure où les juges ont considéré que la nullité de la convention amène nécessairement à s’interroger sur son exécution.


Le présent article s’articule autour de la mise en place d’un forfait annuel en jours, de ses particularités mais aussi de ses risques.


Qu’est-ce qu’une convention de forfait annuel en jours ?


Instaurées par la loi Aubry 2 du 19 janvier 2000, les conventions individuelles de forfait en jours permettent de rémunérer les salariés en fonction du nombre de jours travaillés sur l’année, et non en fonction des heures hebdomadaires travaillées.


En ce sens, les salariés soumis à un forfait annuel en jours ne peuvent se voir imposer leurs horaires de travail. (Cass. Sociale, 23 janvier 2013)


Comment la mettre en place ?


La mise en place d’une convention au forfait annuel en jours est subordonnée à plusieurs formalités :

  • L’accord du salarié formalisé par une convention individuelle de forfait qui devra comporter un certain nombre de mentions précises : autonomie du salarié, nombre de jours travaillés, période de référence, montant de la rémunération forfaitaire.


Cette convention individuelle peut être signée dès l’embauche ou en cours d’exécution du contrat de travail. Dans cette dernière hypothèse, elle constitue une modification du contrat de travail qui ne pourra pas être imposée au salarié, de même que sa modification ou sa suppression. En ce sens, l’employeur ne pourra pas sanctionner le salarié qui la refuse.


  • La conclusion d’un accord collectif d’entreprise, d’établissement ou de branche.


Pour que la forfaitisation en jours soit valablement mise en place, l’accord collectif doit obligatoirement contenir les clauses suivantes :

  • les catégories de salariés susceptibles de bénéficier du forfait annuel en jours,

  • la période de référence du forfait,

  • le nombre de jours du forfait, avec un maximum de 218 jours, étant précisé qu’un forfait inférieur à 218 jours ne présume pas que le salarié est à temps partiel

  • les modalités de rémunération des absences,

  • la mise en place d’un suivi régulier de la charge de travail,

  • les modalités d’échange entre employeur et salarié sur la charge de travail,

  • les modalités du droit au repos et à la déconnexion.


A qui est-elle destinée ?


Conformément à l’article L.3121-58 du Code du travail, cette possibilité est réservée :

  • aux salariés qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la durée de travail ne peut être prédéterminée,

  • aux cadres autonomes dans la gestion de leur temps et dont les fonctions ne permettent pas de suivre l’horaire collectif applicable à l’entreprise.


Tous les salariés ne sont donc pas concernés par ce forfait.


Quels sont les avantages pour les parties ?


Pour le salarié, l’intérêt d’une telle convention repose avant tout sur la libre gestion de son temps de travail. Néanmoins, cela suppose un bon équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle.


Pour l’employeur, la mise en place d’une telle convention permet d’insister davantage sur les résultats escomptés que sur le temps passé. Par ailleurs, cela permet de se soustraire au paiement majoré des heures supplémentaires. L’intérêt financier est certain pour les entreprises. Toutefois, la rémunération du salarié doit correspondre à sa charge réelle de travail.


La charge de travail du salarié est la principale problématique rencontrée.


Quelles sont les obligations de l’employeur ?


Le rôle principal de l’employeur est de veiller à une charge de travail raisonnable et convenablement répartie, notamment en organisant des entretiens annuels et en communiquant régulièrement avec les salariés concernés.


L’obligation d’organiser des entretiens annuels est d’ailleurs si importante que la Cour de cassation a récemment sanctionné ce manquement par la nullité de la convention, et par conséquent le paiement d’heures supplémentaires. (17 février 2021 n°19-15.215)


Etant précisé que cet entretien annuel doit porter, au minimum, sur :

  • la charge de travail,

  • l’organisation du travail dans l’entreprise,

  • l’articulation entre vie professionnelle et vie personnelle et familiale,

  • la rémunération du salarié.


Une communication directe et régulière avec le salarié est également recommandée, afin de pouvoir remédier rapidement à une surcharge de travail. A défaut, les juges pourraient une fois de plus prononcer la nullité de la convention et donner lieu au paiement d’heures supplémentaires. (Cass, Soc., 13 octobre 2021 n° 19-20.561)


A ce titre, l’employeur doit formaliser le temps de travail effectué par un document de décompte mis à la disposition de l’Inspection du travail pendant trois ans (article D.3171-16 du Code du travail).


L’employeur est également tenu de consulter périodiquement le CSE, notamment sur le recours aux conventions de forfait et aux modalités de suivi de la charge de travail. A ce titre, le CSE dispose d’un droit d’alerte s’il constate une surcharge de travail ou le non-respect des durées minimales de repos.


Par ailleurs, les bulletins de paie de ces salariés doivent mentionner le volume du forfait annuel en jours.


Quels sont les droits du salarié ?


Les salariés qui bénéficient d’une convention de forfait en jours ne sont pas soumis aux dispositions relatives aux durées maximales du travail (article L.3121-62 du Code du travail). En revanche, ils bénéficient du droit au repos quotidien et hebdomadaire, ainsi qu’aux jours fériés, et aux congés payés.


Le droit au repos et à la déconnexion doit impérativement être prévu par l’accord collectif, ou à défaut établi par l’employeur et communiqué aux salariés par tous moyens. Effectivement, si les salariés et cadres en forfait jours ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée du travail, ils sont cependant concernés par le droit fondamental d’avoir une vie personnelle.


Focus : la mise en place du télétravail en raison de la crise sanitaire a remis le droit à la déconnexion au cœur des débats. Effectivement, les salariés ou cadres en télétravail doivent être davantage protégés des risques professionnels, et notamment des risques psycho-sociaux. 


S’il le souhaite, le salarié peut également renoncer à des jours de repos dans les conditions suivantes (article L.3121-59 du Code du travail) :

  • accord écrit entre le salarié et l’employeur,

  • respect du nombre de jours maximum fixés par l’accord ou à défaut 235,

  • le temps de travail supplémentaire donne lieu à une majoration d’au moins 10%.


Par ailleurs, si le salarié estime que sa rémunération est disproportionnée par rapport à sa charge de travail, il est en droit de saisir les Conseillers Prud’homaux afin que lui soit allouée une indemnité correspondant à sa qualification (article L.3121-61 du Code du travail).


Quels sont les risques ?


Le contentieux relatif aux conventions de forfait est abondant.


Depuis la loi du 8 août 2016, l’accord collectif ou la convention individuelle doit impérativement garantir le droit des salariés à la santé et au repos (dont la valeur constitutionnelle a été reconnue par la Cour de cassation), ainsi que le caractère raisonnable de l’amplitude de la charge de travail au regard de l’emploi du temps du salarié. (Cass, Soc., 17 janvier 2018)


En ce sens, l’employeur a une véritable responsabilité. En cas de défaillance, les juges peuvent prononcer la nullité de la convention et condamner l’employeur à rémunérer l’intégralité des heures supplémentaires.


L’omission, dans l’accord collectif, du nombre de jours maximum travaillés conduira également les juges à prononcer la nullité de la convention. (Cass, Soc., 12 mars 2014)


De plus, le calcul des heures de délégation est complexe. La loi Travail du 8 août 2016 encadre la gestion de ce crédit d’heures : une demi-journée correspond à 4 heures de mandat. Les heures de délégation sont ensuite déduites du nombre annuel de jours travaillés.


Puisque l’hypothèse est très particulière, il convient d’illustrer le calcul de la manière suivante : si un salarié exerce 16 heures de délégation au cours du mois, cela représente 4 demi-journées de 4 heures, et donc 2 jours de délégation qui viendront s’imputer sur le nombre de jours travaillés à l’année.


En résumé, il est recommandé d’être très vigilant face à la mise en place et l’exécution d’un forfait annuel en jours.


Les conventions de forfait annuel en jours sont donc intéressantes pour les entreprises, mais restent néanmoins une grande source de contentieux.


Bénéficier des conseils et de l’accompagnement d’un avocat est indispensable.

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