Auparavant, la preuve recueillie à l’insu d’une personne ou obtenue par manœuvre ou un stratagème n’était strictement pas recevable en matière de droit du travail.
Par un arrêt d’Assemblée Plénière du 22 décembre 2023[1], la Cour de cassation est revenue sur sa propre jurisprudence.
Par cet arrêt, la Cour jugeait qu’un tel élément de preuve ne devait pas être systématiquement écarté des débats.
Désormais, les juges du fond doivent apprécier si une telle preuve porte atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les autres droits en présence.
Par conséquent, le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
Dans cet arrêt, l’enregistrement audio était produit par l’employeur, dans le cadre d’un contentieux relatif à un licenciement disciplinaire.
Mais un tel enregistrement peut également être produit par le salarié.
C’est notamment le cas dans un arrêt du 06 juin 2024[2] par lequel la Cour de cassation confirme sa jurisprudence, dans le cadre d’un contentieux relatif à un accident du travail.
En l’espèce, le salarié, victime de violences verbales et physiques de son employeur, a saisi le Tribunal d’une demande de reconnaissance de faute inexcusable de son employeur.
Or, l’employeur contestait l’existence même de l’accident du travail.
Pour prouver l’existence de son accident du travail, le salarié produisait deux certificats médicaux faisant état de contusions, un procès-verbal de dépôt de plainte et un enregistrement audio de l’altercation sur son téléphone portable.
Par cet enregistrement audio, les juges du fond constataient la présence de trois collègues de travail et d’une cliente et associée de l’entreprise.
Dès lors, les juges du fond ont retenu « qu'au regard des liens de subordination unissant les premiers avec l'employeur et du lien économique de la seconde avec le gérant, la victime pouvait légitimement douter qu'elle pourrait se reposer sur leur témoignage ».
En d’autres termes, dans la mesure où le salarié ne disposait que de cet enregistrement audio pour « contrecarrer la contestation de l'employeur quant à l'existence de l'altercation verbale et physique », ce moyen de preuve était « indispensable à l'exercice par la victime de son droit à voir reconnaître tant le caractère professionnel de l'accident résultant de cette altercation que la faute inexcusable de son employeur à l'origine de celle-ci ».
Par conséquent, la preuve d’une prétention par un enregistrement audio est désormais admise dès lors qu’elle est indispensable et que l’atteinte aux droits de la personne enregistrée à son insu est strictement proportionnée au but poursuivi.
[1] N°20-20.648
[2] N°22-11.736, publié au bulletin officiel
Comments